Marion

Ça fait plusieurs mois que j’y pense, que ça me trotte dans la tête, que j’ai envie d’en parler sans trouver le courage de le faire publiquement.
Si je le fais aujourd’hui, c’est parce que je vois son nom régulièrement sur les réseaux (nous avons beaucoup de contacts en commun) et chaque fois que je vois son nom, je ressens du stress, je me souviens du malaise que j’ai ressenti cet été et je me dis que lui ne ressent probablement rien d’autre que de l’indifférence.


Alors voilà, ça faisait un petit bout de temps que je connaissais ce mec sur les réseaux sociaux rôlistes. On avait sympathisé, il était plutôt drôle et affichait une empathie que je pensais sincère à mon égard, il arrivait qu’il prenne de mes nouvelles et semblait avoir une certaine amitié pour moi.
Était-ce une amitié réelle ou feinte dans l’espoir de me baiser ? Je n’en sais rien, je pencherais plutôt pour la deuxième étant donné ce qui va suivre.
Cet été, il était de passage dans ma ville, il a proposé qu’on se capte. Un peu ambigu à certains moments, je ne souhaitais pas le voir seul à mon domicile malgré la bonne entente globale que nous avions. J’avais un espèce de pressentiment quant au fait qu’il essaierait de me serrer s’il en avait l’occasion mais je n’étais pas du tout intéressée. J’étais loin d’imaginer la lourdeur dont il allait faire preuve.
J’ai préféré organiser une soirée, entourée d’autres rôlistes. C’était l’occasion de faire un truc sympa avec quelques joueurs et de discuter un peu en mode convention, ce qui me manquait. Et puis, entourée, il ne tenterait rien de gênant. 


La soirée est alcoolisée, je suis bien bourrée, tout le monde est à peu près bourré. Je n’ai d’yeux que pour mon futur amoureux venu ce soir là. Certains restent dormir à cause de l’alcool dont ce fameux mec venu de loin. 
Déjà au moment de la soirée, il se montre un peu relou. Par exemple, alors que j’embrasse dans un coin mon futur homme, il se colle à nous genre et me caresse en mode « et si on faisait un truc à trois ? » J’avoue que je sais plus trop ce qu’il a dit avec l’alcool mais je me suis dégagée et je suis allée vite me coucher, rejointe par mon futur mec qui ne m’a pas touchée car j’étais bourrée et qu’il connaît la notion de consentement.
Le lendemain, je me réveille avec une certaine gueule de bois, pas très fraîche mais ce qui allait me donner la gerbe ce matin là, c’était pas le trop plein d’alcool de la veille. Mon futur mec doit partir tôt car il bosse, je me retrouve seule avec l’autre mec, celui venu de loin, celui dont j’ai envie qu’il reste loin de moi pour toujours à présent.
Je me lève, je propose un petit déjeuner. Je me crois à l’abri car vu qu’un mec a passé la nuit dans ma chambre, je suis alors persuadée que ça envoie un message clair en mode « cette place est occupée, ne tente rien, t’es gentil mais fais pas ton relou ».


La veille, j’avais demandé s’il était OK pour m’aider à réceptionner un canapé qu’on me livrait à domicile. Toute seule, j’avais peur de galérer et il avait accepté. On attendait sagement le début d’après midi jusqu’à la livraison. Je pense que quand j’ai dit « ça te dérange pas de m’aider à monter le canapé ? », le mec a dû comprendre « ça te dérange pas de me démonter sur le canapé ? »
En attendant, on met un film coréen, Le dernier train pour Bussan. Et là, il commence à vouloir me bouffer comme les infectés dans le film. Ce que je décris a dû durer une demi heure, peut-être plus. Il commence à se coller à moi, à me caresser. Je me décale sans arrêt, manifestant le fait que « non, je ne veux pas », d’ailleurs je l’exprime même à voix haute. Je change régulièrement de place dans mon salon. Il me rattrape par le bras pour que je reste près de lui et il me sort même une phrase de vieux dégueulasse : « Viens voir Tonton ».


« Viens voir Tonton ».
Ça m’a glacée sur le coup et ça me fait bader encore aujourd’hui. 
Il a dit ça en se marrant légèrement comme s’il captait pas qu’il était tellement lourd et stressant, comme s’il pouvait pas imaginer que j’étais mal à l’aise. 
Voyant qu’il ne pourrait pas me baiser, il a pris ses affaires, me disant que bon pour le canapé, il pouvait pas rester finalement car il avait de la route. J’ai ressenti un grand soulagement à ce moment là. Je me suis dit : « Oui, pars ».
Une fois la porte refermée, je n’ai pas réussi à me calmer. J’ai fait le tour de mon appartement plusieurs fois, je ne me sentais plus en sécurité. J’ai nettoyé de manière compulsive mon salon, j’ai aéré, j’ai descendu les poubelles. J’aurais dû le faire bien plus tôt dans la matinée car j’avais pas mal d’ordures dans mon salon visiblement.

Je n’ai plus écrit à ce mec qui m’a relancée par MP, en mode « hey merci pour la soirée, c’était super ». Silence de mon côté. Il m’a reprochée par la suite de l’avoir unfriend, il disait qu’il ne comprenait pas. 
Je ne répondais plus à ses messages.
Je me sentais trahie, ce mec s’était approché de moi dans un but bien précis qui était celui de me baiser visiblement et un non était difficilement envisageable de son point de vue. Pour lui, il a juste sans doute « tenté » un truc, pour moi, il a été un forceur de l’extrême.
Alors voilà, il lira peut être ceci et il connaîtra mon point de vue sur la chose, enfin. 


Peut-être qu’il t’arrive de faire de belles choses pour les autres et cette part-là, je l’appréciais mais tu m’as montré ce jour-là un visage sombre et inquiétant qui m’a fait du mal. 
Je n’ai pas balancé ton nom mais j’espère que ceci te donnera tout de même à réfléchir sur le comportement à adopter envers un autre être humain, que tu chercheras  à devenir une meilleure personne. Tu n’as pas envisagé mon consentement ni mes sentiments, tu ne t’es pas posé la question de ce que je pouvais ressentir. De la peur, de la gêne, du dégoût, du malaise, de la déception. 

Merci de m’avoir lue.

Eva

J’ai commencé le JdR lorsque j’étais au collège. Je fréquentais peu de « filles » et beaucoup de « garçons ». Mes premières parties se sont, dans mes souvenirs, bien déroulées. J’étais enchanté.e de pouvoir vivre et raconter des histoires avec des gens qui sont vites devenus mes amis.

Au lycée, j’ai changé de MJ et de groupe de jeu. J’ai oublié de mentionner qu’à ce moment de ma vie, je me cachais derrière des vêtements très amples par complexe et me donnait des allures dites « masculines » par envie. Autant vous dire que très vite, à ma table j’ai entendu des propos malaisants : « De toute façon Eva c’est pas une fille, c’est une camionneuse. » « Eva elle est goudou. » « Eva c’est un bonhomme. »

Et comme je sortais avec le MJ, j’ai aussi eu le droit à des : « dD toute façon, elle couche avec le MJ, c’est pour ça. » Bref, en grandissant, j’ai réalisé que soit j’étais « la fille pas féminine » qui était sûrement une « homosexuelle refoulée », soit « la fille », donc la personne disposée au sexe, que ce soit IG ou IRL. Sur le moment, je ne comprenais pas bien la situation, mais je me souviens bien avoir été blessé.e de voir que ceux que je considérais comme mes amis avaient la même attitude que ceux qui avaient été désagréables (et parfois dangereux) envers moi.

Heureusement, j’ai aussi rencontré au fil de mes expériences de JdR et de RP des personnes merveilleuses ! Mais j’avoue toujours rester sur mes gardes malgré moi. En grandissant, j’ai découvert que je n’étais pas une femme cis. Je ressens une certaine frustration parce que je n’ose toujours pas me montrer tel.le que je suis aux autres joueurs, et j’ai l’impression de toute façon de ne pas le pouvoir dans énormément de JdR qui ne présentent que des personnages cis et une société fictive hétéronormée. Mais je reste positif.ve parce que je sais que des jeux voient le jour en prenant en compte les autres identités de genre. Avec des ami.e.s nous essayons de changer cela et de créer un JdR qui nous convient.

Anonyme

Une bonne vieille partie de JdR dans un monde fantastique. J’ai choisi de jouer une jeune femme qui, enfant, faisait partie d’une troupe de saltimbanques et cambriolait les maisons des riches bourgeois. À 11 ans elle s’est faite surprendre par le propriétaire d’une maison, un maître d’arme, qui l’a gardée comme élève. Il l’a élevée et entraînée de façon très stricte, afin qu’un jour elle puisse l’aider à se venger de ceux qui avaient assassiné sa femme et son enfant.

En cours de jeu il est question de la potentielle virginité des perso féminins. Pas celle des hommes, puisqu’il s’agit de savoir qui va coucher avec un grand méchant, hétérosexuel. J’explique que non, niet, mon perso est vierge et badass en combat, elle n’est pas du tout là pour coucher.

Réponse du MJ, qui est un bon pote en qui j’ai confiance, qui n’a pas du tout réfléchis au fait que c’était Lourd (le connaissant, s’il avait pris le temps de réfléchir il n’aurait jamais sorti une chose pareille) : « Oh bah non, ton perso a fait partie d’une troupe de saltimbanques jusqu’à ses onze ans ? Elle est forcément passée à la casserole un paquet de fois. Elle n’est pas vierge. »

Énorme malaise pour moi, même si personne à table n’a semblé le sentir. J’ai essayé d’argumenter puis, comme le MJ continuait à prendre ça à la rigolade en mode « passer à la casserole » j’ai laissé tomber, préférant qu’on passe à autre chose.

Il y a plusieurs niveaux de malaise :

* Dans un JdR avec des PJ entièrement créés par les joueuses et joueurs, tout à coup on m’explique que non, je ne décide pas du passé de mon personnage parce que c’est histo pour les filles saltimbanques de se faire violer. C’est un monde avec de la magie mais être histo c’est important.

* Je suis une femme à qui on impose d’avoir une perso de femme qui a été violée. En prime enfant, parce que la pédophilie c’est trop sympa dans un background. Sauf que le champ lexical utilisé normalise l’idée de viol. Genre à cette époque c’est bon, c’était la norme, c’est pas bien grave lolilol.

* Comme mon personnage a été forcée à se prostituer enfant, c’est bon, elle peut coucher avec un PNJ afin d’obtenir des informations. Alors que j’ai volontairement créé un PJ orienté combat, discrétion, ni joli ni intéressé par la romance ou la sexualité.

Je le répète : c’était une table composée de mes copains. Des gens pas du tout sexistes en théorie, qui seraient outrés qu’on minimise un viol ou la pédophilie, mais pour qui m’imposer un background de ce type ne posait aucun problème, sous prétexte que « ce n’est qu’une partie de jdr, c’est bon quoi, et puis c’est histo ».

Thalie

J’ai découvert le JDR vers 13 ans, grâce aux salons dédiés sur Caramail. J’ai tout de suite accroché. Quand j’ai voulu en faire en vrai, avec une copine, on nous a répondu que ce n’était pas « un truc de filles » et qu’on ne voulait pas de nous. Soit. Nous avons commencé à explorer l’univers du JDR dans notre coin. Je me suis aussi beaucoup investie dans le JDR sur forum, un monde nettement plus ouvert aux femmes.

Ma première partie de JDR, j’avais 17 ans, je crois. Ou 18 peut-être. J’avais fini par dégotter un rôliste qui avait accepté de m’inviter dans son groupe (avec beaucoup d’appréhension… la précédente tentative d’intégration d’un élément féminin s’était soldée par un échec).

On a joué à Warhammer et comme j’adore les Halflings, évidemment, c’est cette race que je jouais. J’ai très vite eu le droit à mon premier « Bon, t’es une fille, tu vas séduire les gardes ». L’absurdité de la scène – une minuscule halfeline tentant de draguer une montagne de muscles – m’a tout de suite frappée. J’ai émis des doutes sur la pertinence de la stratégie mais je me suis exécutée.

On m’avait prévenue que le milieu était macho, je n’étais donc pas surprise. Comme j’avais toujours préféré la compagnie des garçons, j’étais habituée à être la « fille » du groupe, avec tout ce que ça implique. J’ai donc usé de divers méthodes pour leur faire comprendre que non, je n’étais pas la prostituée de service, RP ou HRP. J’ai réussi à m’imposer sans peine. Je sais me faire entendre, heureusement.

Ma première convention s’est faite dans la foulée. Je me souviens de mon impression en arrivant. « Où sont donc les filles ? » J’ai fini par en trouver quelques unes. Pas tant que ça. Mais le problème n’était pas là.

Je me suis assise à une table de jeu et là, tout le monde m’a dévisagée. « Tu es sûre que tu es censé être là ? » ; « Je suis pas sûre que tu puisses jouer » ; « C’est ton copain qui t’a traîné ici ? » ; « Mais tu aimes vraiment le JDR ? » ;  un festival de questions idiotes. Et moi de répondre d’abord patiemment puis agacée que oui, j’aimais le JDR, j’en faisais déjà et que non, personne ne m’avait traîné, que non, ni F. ni P. n’étaient mes petits amis et que j’étais assez grande pour m’occuper de moi, merci bien.

Je me rappelle aussi qu’un joueur, après m’avoir demandé qui était mon copain, m’a soutenu que je ne pouvais pas avoir commencé le JDR seule, car j’étais trop jolie pour ça. Pour cet homme, une femme rôliste était soit une célibataire au physique ingrat en quête d’un copain, soit la petite copine d’un rôliste. Je ne me souviens plus ce que je lui ai répondu, probablement une remarque sarcastique quelconque. Mais cette remarque, je l’ai entendue plusieurs fois sous diverses formes.

Heureusement, au milieu de tout ça, j’ai rencontré quelques personnes géniales, dont certains sont devenus des amis proches. Mais mon sentiment, à l’issue de cette première convention, était que j’étais entrée dans un monde parallèle où les femmes n’étaient pas les bienvenues. Je ne pense pas que qu’ils repoussaient sciemment les femmes. Mais leur attitude avait de quoi décourager les plus timides voire toutes celles qui n’avait pas les mots pour justifier leur présence.

J’ai par la suite intégré divers groupes de JDR, j’ai continué à aller en convention. La population féminine allant croissante, j’ai cru que les rôlistes s’étaient enfin habituées aux femmes. Je subissais moins de réflexions stupides en convention, je me sentais moins comme une alien. Puis je suis passée de l’autre côté du miroir, je suis entrée dans l’organisation d’une convention.

Là, j’ai eu le droit à un nombre incalculable de remarques sexistes et lourdes. En effet, je me suis occupée du bar pendant quelques années, et les types venaient me parler de leurs exploits sexuels, réels ou supposés, alors que j’étais censé servir les autres festivaliers. Quelle joie d’entendre un type vous expliquer sa passion pour la spéléologie en milieu humide (vous comprendrez la référence) au milieu de 20 autres personnes qui écoutent et se retiennent de rire. Heureusement pour moi, j’ai pas mal de répartie, donc je n’avais pas de problèmes à les remettre à leur place. Mais dans l’idéal, je n’aurais dû avoir à le faire.

En devenant orga, j’ai aussi commencé à faire la promotion de mon loisir. Et c’est là que j’ai (re)découvert la mentalité déplorable de nombres de rôlistes. J’ai croisé par exemple une charmante demoiselle à qui l’on avait toujours soutenu que les femmes n’étaient pas censées maîtriser, car ce n’était pas leur place et qu’elles étaient nulles. D’autres m’ont assuré qu’en convention particulièrement, les hommes à leur table (qui souvent n’avaient pas réalisé que leur MJ serait une femme) remettaient systématiquement en question leur parole. On m’a parlé de commentaires sur le physique des joueuses. Commentaires que j’avais moi-même subi.

À force de me pencher sur la condition de femmes dans le JDR, j’ai fini par réaliser à quel point j’avais eu de la chance. Si j’avais subi des remarques désagréables, des tentatives de drague maladroites et insistantes, personne ne m’avait jamais forcé à jouer une scène que je refusais (au hasard, le viol de mon personnage). Personne ne m’avait agressé. Personne ne m’avait même touché.

Marie

J’ai découvert le JDR grâce à une amie, durant ma première année de fac (en 2010). Après une rupture difficile, j’avais besoin de changer d’air et elle m’a donc entraînée avec elle dans l’une des grosses assos (principalement étudiante) de la ville, avec l’idée de me faire rencontrer du monde.

Depuis, je fais un peu de JDR, toujours en tant que joueuse et j’aime vraiment beaucoup ça. J’ai même un peu fait de GN. Même s’il y a eu des expériences plus agréables que d’autres, j’ai eu la chance de ne jamais subir de situations aussi extrêmes et désobligeantes que celles que j’ai pu lire sur ce site.

La chance ?

Non. A bien y regarder, je me rends maintenant compte que j’ai toujours été très bien protégée. Dans cette asso, mon amie m’a guidée et menée vers des MJ qui étaient des gens bien, qui s’entouraient eux-mêmes de joueurs très agréables. Rapidement les parties ne se faisaient plus dans les locaux de l’asso, mais dans des appartements privés et j’ai ensuite surtout joué avec des amis ou des amis d’amis.

Mais il y a tout de même quelque chose que je voudrais partager ici. Je me souviens très bien qu’à l’association, tout se savait. Nous étions assez nombreuses à constituer la gente féminine, et chacune savait pertinemment quel mec était un gros lourd, lequel était un tripoteur, quel MJ était mal à l’aise en présence d’une femme, bref, qui était abordable et qui il valait mieux éviter. La plupart des hommes gravitant dans l’asso étaient aussi assez bien informés de ça. La question que je me pose aujourd’hui, c’est celle-ci : pourquoi on les laissait faire ? Qu’est-ce qui arrive quand une fille débarque là et tombe sur l’un d’entre eux sans être prévenue à l’avance ou protégée par quelqu’un ? Pourquoi personne ne les remettait à leur place tout en sachant pertinemment qu’ils dépassaient les bornes ?

Je regrette amèrement d’avoir détourné les yeux comme tout le monde.

Anonyme

[TW viol, violence sexuelles, sexisme]
J’ai 20 ans lorsque j’écris ce témoignage et j’en avais 16/17 lorsque ma pire expérience de JdR est arrivée.
Mes débuts dans le monde du roleplay datent de mes années collèges et j’ai pu expérimenter mon premier JdR papier lorsque j’ai obtenu mon brevet. J’avais donc de l’expérience dans le domaine lorsque, à un séjour dans un chalet avec des connaissances et mon petit ami de l’époque, l’organisateur se propose pour faire le MJ. Nous étions entre fans de My Little Pony: Friendship is Magic, l’univers se porta donc sur celui du dessin animé, même si nous nous doutions que nous n’allions pas nous restreindre sur les insultes ou les blagues graveleuses.
Je décide donc de faire une pégase nommé Iron Wrench, seul personnage féminin du groupe. Ce sera l’experte en tout ce qui touche le bricolage, la réparation et malgré qu’elle ait un caractère bien trempé, ce n’est pas non plus une bagarreuse. Dans l’équipe, nous avions aussi un cliché du cool kid des années 90 (joué par mon ex), un barde qui chante mal, un guerrier qui a la trouille du sang et un docteur assez cynique (à la Dr. House). Au vu de l’équipe, on nous promets donc un RP assez fun et qui est très loin d’un univers grimdark. Nous avions tous un objet magique que l’on pouvait choisir, j’ai donc décidé que ma Iron aurait une boite à outil qui ferait apparaître ce qu’elle avait besoin.
Le RP commence par une mise en contexte : nous devions chercher une relique dans une montagne perdue. Dès le premier combat, le MJ montre enfin ses intentions puisque dès mon premier échec de dés est une tentative de viol… On joue depuis même pas 5 minutes et mon personnage se retrouve déjà résumé à son vagin. Heureusement, un jet bien placé permet à mon perso de se défendre et de défoncer son agresseur. Nous avançons dans l’histoire, le MJ met en place un système de temps qui fait que l’on se retrouve assez rapidement en pleine nuit. Avec les autres joueurs, on décide de faire des tours de gardes et mon perso commence à dormir profondément. Le poney qui était censé surveiller les alentours s’endort suite à un mauvais jet et des griffons s’approchent du campement. Nous faisons tous des jets de dés et je me retrouve avec un échec critique… Et le cauchemar commence. Un des griffons se ramène vers mon perso et commence à la violer. Le MJ décrit de manière beaucoup trop précise la scène, se réjouit de chacun de mes échecs pour me défendre et je suis bouche bée, ne sachant pas comment réagir. J’avais la sensation d’être en dehors du jeu, vraiment pertubé·e, tandis que je « vois » mon personnage entrain de subir des trucs sordides. Je crois qu’il était même question de sodomie, mais je ne suis pas sûr·e. Les autres se réveillent évidemment en voyant la scène, et le médecin fait trois jets afin de savoir si il réussit à envoyer un tranquillisant : la dose, le lancer et le contenu. Réussite, réussite, échec. Au lieu d’avoir un tranquillisant, c’est un excitant, ce qui fait que le MJ commence à entrer dans  des détails encore plus sordides. Me voila à 16 ans en train d’imaginer mon personnage se faire violer si profondément que son vagin s’en retrouve presque à l’extérieur.  Je n’ai jamais aussi bien joué mon personnage qu’avant car j’étais tout aussi pertubé·e que ma pauvre Iron.
La suite résume tout aussi bien le sexisme du MJ. Après que le médecin m’ait vraiment bien soigné (merci sa chance), mon perso est obligé de se reposer, complètement traumatisée. Peu de temps après, une espèce de plante carnivore et se pointe et… avale mon perso (évidemment). Il a fallu que ça soit les AUTRES qui sortent mon personnage de là car le MJ refusait qu’elle se réveille. Je n’avais pas de chance certes avec mes dés, mais au bout d’un moment, si il voulait vraiment que je joue, il m’aurait fait une faveur, surtout après ce que je venais de subir. Et le RP s’est terminé sur mon perso (ENCORE) qui se fait capturer après un échec à la con de dé et j’ai passé littéralement le reste de la partie à devoir regarder les autres jouer. C’était très vicieux car plutôt que de me dire que je ne pouvais pas m’échapper, le MJ me laissait des pseudos chances de m’en sortir (yay je peux totalement m’échapper avec le corps ligoté, dans une cage et avec des murs qui se referment rapidement sur moi, quelle personne généreuse !).
Il m’a fallu quelques temps avant de réaliser le concentré de sexisme et de culture du viol que cette partie était. Elle m’a tellement traumatisé·e que j’avais du mal à vouloir rejouer, craignant que cette situation se reproduise. Heureusement, j’ai pu me trouver des rôlistes safe qui eux-mêmes étaient choqués par cette expérience, affirmant que c’était un très mauvais MJ. J’ai pu même me refamiliariser avec l’univers post apo en utilisant le même personnage mais en humaine, qui était vraiment considérée comme un personnage à part entière, finissant même à la tête d’un village de raider à la fin.
Ce fût très dur de remuer tout ça, surtout qu’avec le recul, j’aurais juste dû me barrer mais je ne pouvais pas. Je ne réalisais pas à quel point c’était une partie malsaine et misogyne. Mon copain de l’époque m’a même avoué que lui aussi cette partie l’avait mit mal à l’aise pour moi et je ne serai pas étonné·e que les autres participants réagiraient pareil.
 Le pire, c’est que le MJ à même osé me sortir que « c’est pas de chance, c’est tombé sur toi alors que je voulais le faire sur un des persos gars du groupe », ce qui puait déjà l’excuse bullshit à plein nez car seul mon personnage avait eu ce rapport au viol mais en plus sous-entendait que le viol masculin était tout aussi LOL.
Je n’ai plus eu de contact avec cette personne depuis.

Anonyme

Je joue depuis toute petite, j’ai d’abord commencé avec mon père et mes frères et sœurs, puis avec des amiEs. Même lorsque j’augmentais mon cercle de joueurs(ses), j’étais rarement la seule fille. Un ami d’une amie m’a proposé une place à sa table, et j’ai bien évidemment accepté, étant à la recherche d’une campagne. Je crée un personnage, une jeune fille de 21 ans, coincée dans un corps d’enfant, remplie d’espoir et de soif de voyages, ayant un lien très fort avec les dieux. Le MJ semble ravi de ce personnage et des relations entre les personnages du groupe que ça produirait. Au début, tout semble aller bien, mon personnage est certes traitée comme une enfant, mais au vu de son apparence, c’était à attendre et après avoir fait un peu ses preuves, son avis est pris en compte.
Mais alors que nous étions en train de visiter une ville remplie de morts vivants, le MJ force mon personnage et un autre (adulte) à avoir des relations sexuelles. Rien ne justifiait ça. Il y avait certes un charme dans les lieux, mais qui ne pouvait pas aller à l’encontre de la morale d’un personnage. Mon personnage n’avait jamais envisagé de coucher avec cet autre personnage. Et cet autre personnage non plus, n’étant pas un pédophile. Mais mon MJ l’a fait juste pour son bon plaisir, insistant sur le fait que mon personnage était consentant et qu’au vu de l’univers ça aurait dû arriver avant. Il était à fond dedans et ajoutait des détails très graphiques alors que le reste de la tablée était muette. La séance d’après, pour rire, il demande à voix haute si mon personnage ne tombait pas enceinte.
J’en ai discuté par la suite avec d’autre joueurs de la table qui l’avaient vécu comme l’assouvissement d’un fétichisme de mon MJ. J’ai appris par la suite qu’il avait harcelé sexuellement d’autres joueuses.
J’ai aussi eu le cas de joueurs disant ne pas être sexistes parce qu’ils jouaient des personnages féminins. Il s’agissait d’allumeuses à talons hauts. Systématiquement.

Anonyme

Je m’appelle L., j’ai 30 ans, et je découvre tout juste le jeu de rôle. J’ai plutôt l’habitude de jouer aux jeux de plateau, mais l’idée de découvrir les jeux de rôle me trottait dans la tête depuis longtemps. Malheureusement, mon partenaire et moi-même habitions dans une zone rurale, où il était compliqué de rencontrer d’autres joueurs. Nous avons déménagé dans une ville où existe une association de joueurs de jeux de plateau/jeux de rôle. Toute contente, je me lance ! Première partie de ma vie : un MJ et cinq hommes, je suis donc la seule femme. Je déchante très vite : toutes les femmes du jeu sont présentées par le MJ soit comme des « connasses », des « simplettes », des « bonnasses », des « chaudasses », ou un peu tout ça à la fois… Dès qu’une femme PNJ entre en jeu, les autres joueurs s’en « servent » pour donner des faveurs sexuelles, se demandent s’ils vont la violer ou pas, s’ils vont « la baiser » ou pas etc… En tout, au moins cinq fois des appels au viol de personnages féminins durant le jeu (très souvent du fait d’un joueur particulier, qui semble avoir un gros penchant pour ce genre de fantasme…) et je n’ai pas compté le nombre de : « Une femme ? Ah bah moi je la baise ! », « Une femme ? Je la viole à votre avis ou pas ? », et les injures à caractère homophobe du style « Je suis pas une tafiole moi ! » qui ont ponctué le jeu, le tout sous les rires francs et gras des copains présents… J’ai fini le jeu en me sentant très mal, avec un sentiment d’injustice et de colère, d’avoir été purement et simplement niée dans mon humanité. J’en ai fait part au MJ et aux autres joueurs, qui sont restés assez muets sur la question. Le type qui était particulièrement virulent niveau « blagues»  sur le viol s’est défendu en me disant : « Si tu aimes pas le malsain, faut pas jouer avec moi ! »… Pas sûre que je retente de sitôt le jeu de rôle malheureusement…

Lucrecia (4/4)

[TW : mentions de viol, agression sexuelle, violence psychologique, homophobie, transphobie, queerphobie, polyphobie, harcèlement, attouchement, racisme]

Alors qu’on venait juste de quitter l’association, nous avons rencontré un jeune couple qui lui aussi, pour d’autres raisons, s’était distancé de ses membres. Au départ, tout était parfait. L’homme était ouvert aux thématiques LGBTQ+, au polyamour, au féminisme et au militantisme en général, là où sa copine était plus nuancée, mais tout aussi cool.

Sauf que… Au final, non. Tout à dérapé un soir après une longue et éprouvante partie de JdR où, alors qu’elle dormait dans le lit d’à côté et que j’étais collé contre mon conjoint et son-a petit-e copain-ine de l’époque, il m’a embrassé puis sucé les seins. J’ai eu une réaction de total déphasage, heureusement qu’il s’est arrêté sinon je n’aurais jamais pu le repousser. J’avais confiance en lui et il l’avait complètement brisée. On n’a jamais parlé de ce qui c’était passé ce soir là, mais je n’ai pas oublié et j’en tremble parfois. J’ai mis énormément de temps à m’en sortir après ce geste, et nos rapports n’ont plus jamais été les mêmes, j’ai préféré me réfugier dans les bras de sa conjointe.

Je me suis jeté dans la gueule du loup. C’était une femme bourrue et directe, aux personnages au RP violents et peu loquaces. Bref, c’était plutôt raccord avec son tempérament. Elle avait des prises de position très violentes, comme insulter des personnes trans ou se montrer sexiste envers toutes les personnes trop « féminines » à son goût. Au final, elle est partie d’elle-même après une énième dispute où elle m’a rabaissé et écrasé pour des prunes…

J’ai écrit tout ceci pour exorciser ce que toutes ces charmantes personnes m’ont fait subir et pour apporter un témoignage. Oui, la communauté de GN, de jeux de rôle et tout simplement geek en général a un problème. Non, je ne me tairai pas et je n’ai pas peur de clamer haut et fort comment ces personnes m’ont traité et toutes leurs violences envers les femmes et les communautés LGBTQ+. Ce n’est pas à moi d’avoir honte, mais bel et bien à elles. Et je ne compte pas m’arrêter à un témoignage, ce genre d’immondices devrait tout simplement cesser définitivement.

À tous ceux-elles qui m’ont lu jusqu’au bout, je vous souhaite un bon rétablissement. Ce fut un récit long et éprouvant et j’espère qu’il ne vous a pas trop secoué… En attendant, ne vous inquiétez pas, je vais bien et je reste forte et digne malgré ce qui m’est arrivé.

Je suis toujours debout.

Lucrecia (3/4)

[TW : mentions de viol, agression sexuelle, violence psychologique, homophobie, transphobie, queerphobie, polyphobie, harcèlement, attouchement, racisme]

Et puis j’ai rencontré celui qu’on va appeler le Pervers. Parce que c’est ce qu’il est et que même après l’avoir bloqué de partout après presqu’un an, il a continué à chercher à entrer en contact avec moi à tout prix jusqu’à récemment.

Remettons les choses dans le contexte. Ce mec n’était pas venu à l’association depuis des mois. Quand il revient, monsieur râle. Lui, homme blanc hétéro cis, ne se sent plus à sa place, les queer ont envahi l’espace. Il ne voulait tout simplement pas entendre parler de féminisme et de cause LGBTQ+. Il détestait tellement les militants qu’il a avoué à mon crush agresseur sexuel qu’il voulait « purger » (tel un croisé des temps modernes) l’association de ces foutus social justice warriors et « transpédés »… Charmant. Le tout, en manipulant ce qu’il appelait « les esprits faibles », en racontant à tout va qu’on prenait trop de place et que les hommes blancs cis hétéro comme lui se faisaient écraser, marginaliser par les personnes comme nous… Wahou. Et c’est moi la perverse manipulatrice narcissique ? Le pire, c’est que ça a marché ! Un mois après son arrivée, toutes les personnes LGBTQ+ étaient parties. Ses violentes prises de parole contre le militantisme et en faveur de l’exclusion totale des « transpédés » a très bien marché. Tout le monde lui a mangé dans la main, et j’ai même vu une personne rejeter sa bisexualité à cause de lui et de sa haine.

Le problème, c’est que même si monsieur détestait les féministes et cie., ça ne l’empêchait pas d’avoir des envies. Et hélas, ces envies se sont tournées vers moi. Et alors là, c’est devenu l’enfer. Lors de l’anniversaire d’une amie en commun, il a voulu me forcer à avoir un contact physique avec lui, une bise. Il l’avait déjà fait de force à mon conjoint totalement éberlué mais moi, je ne me suis pas laissé faire, je l’ai attrapé par les épaules et j’ai dit  « non, je n’ai pas envie ». Son sourire était d’un vicieux… Le même soir, il a dit plusieurs fois « en rigolant » qu’il avait écrit des fictions érotiques me mettant en scène, sachant qu’on était en froid parce que plusieurs fois il était venu sur des statuts Facebook cracher sur des personnages trans ou homosexuels. D’où tu rigoles de ça avec des gens qui t’aiment pas ouvertement ? D’où tu rigoles de ça tout court, en fait…

Quand j’ai quitté l’association, j’ai reçu des messages très violents d’inconnus me disant que je faisais du mal autour de moi et que j’étais un « monstre »… Je n’ai su que plus tard que c’était par son initiative que ces personnes étaient venues me voir, dont une pour me parler (même si je soupçonne le fake compte à 3 000 lieues à la ronde) de… ses exploits sexuels. Oui, il a pris son pied en m’envoyant plein de détails explicites de trucs qu’il avait soi-disant fait tout en prenant l’identité d’une jeune femme fraîchement débarquée sur Lyon. Prends moi pour un con, va. J’ai dû bloquer un nombre incalculable de comptes avant de comprendre qu’il crachait son venin sur moi à qui voulait bien l’entendre, quitte à ronger des amitiés « solides ». J’étais un objectif qu’il s’était fixé et il n’a pas réussi à m’avoir, donc il a tout fait pour me pourrir la vie. Le pire, c’est que mes refus semblaient me rendre plus désirable encore à ses yeux… Creepy/20.

Pour tout récapituler : c’est un homme homophobe (utilisation répétée de termes comme « enculé », « la mettre bien profond dans le cul », « pédé », grimace quand deux personnes de genre masculin s’embrassent, fétichisation des relations sexuelles entre lesbiennes), transphobe (utilisation du terme « transpédé », mégenrage constant des personnes trans et fétichisation de ce qu’il appelle les « shemales »), sexiste (rabaissant souvent les femmes que ce soit « pour rire » ou en général), à fond dans la culture du viol (blague sur le sujet régulière, infestation de l’espace vital malgré un refus manifeste de la personne en face), polyphobe et adepte du slut shaming (crache régulièrement sur les personnes polya et m’a dit avec son fake compte et devant des personnes de l’association que j’avais deux amours pour je cite « le cul et l’argent », alala les femmes, ces créatures vénales !) et pour conclure raciste (fait de « l’humour » pour se moquer des immigrés-es et des personnes racisé-es).