Portrait : Jenny alias Scarlet Witch

Jenny est une rôliste tarbaise de 23 ans. Avec ses cheveux de feu et son tempérament volcanique, elle nous parle de sa découverte du jeu de rôle, de son expérience associative ! Quelques anecdotes bien senties sur son expérience en tant que femme dans un milieu très masculin, le tout saupoudré de beaucoup d’humour.

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Anonyme

Dans un GN de masse du sud de la France (La Faille) je jouais une danseuse/espionne. Une faction de joueurs m’a enlevée. Attendant des négociations avec ma faction sans résultat, j’ai demandé au chef de la faction qui m’avait kidnappée la raison pour laquelle mon perso avait été enlevé. Il m’a répondu : « Parce que t’as une grosse poitrine, et on veut des danses gratuites. » Je suis sortie de mon roleplay et suis partie. Je ne suis même pas allée voir les orgas, tellement je n’en attendais aucune aide. En effet, sur ce GN, était publié chaque matin un petit journal rempli des anecdotes que les joueur-ses apportaient aux orgas. En première page de l’édition du matin, on y trouvait un classement intitulé « Les cuisses de la Faille ». Il s’agissait d’une liste réalisée par des joueurs sur des joueuses qu’ils trouvaient « à leur goût », et classées par « ordre de sexitude ».  Mon perso y figurait parmi d’autres, même pas cité par son nom, juste « La danseuse ». Les orgas et joueur-ses avec qui j’en ai parlé trouvaient ça « trop drôle » !

Psychée

On m’a demandé quelle était la pire anecdote sexiste que j’ai pu subir. La voici : une tentative d’agression sexuelle dans les toilettes d’une petite convention de JdR à Paris pour « me punir de venir ramener ma gueule de pute » – principalement parce que je suis féministe, trans, et créatrice, mais j’avoue, je ne suis même pas sûr de la raison. Le gars a fini la tête enfoncée dans la cuvette des chiottes – pratique pour pas tacher partout avec son nez qui pissait le sang. Mais c’eut été une autre que moi, cela finissait très mal pour la victime. Je veux dire, je suis pratiquante d’arts martiaux et je n’ai aucun scrupule ni crainte à user de violence et un entraînement certain à le faire. Mais toute nana normalement constituée aurait, vu les circonstances, été violée…

Entre le temps de signaler l’agression, m’expliquer sur le ravage de tronche de mon agresseur, etc… sans compter mon état de stress, la convention, je me la suis mise au cul… et le soir même, j’ai préféré la compagnie d’une bonne bouteille et d’une amie… Et bien sûr, vient l’après : comment retourner dans une convention de JDR sans avoir la peur au ventre que cela recommence ?

J’ai évité toutes les conv’ pendant un an… et j’avoue, à chaque fois, je pense au risque et je suis prête à me défendre. Mais, oui, cela veut dire que je n’y vais pas sans la peur et la vigilance chevillée au corps. Même presque 15 ans après.

Anonyme

Il y a 13 ans, j’ai mis les pieds dans mon premier GN. Je n’y ai vécu aucun sexisme. J’ai joué une assassin, je me suis retrouvée Maître Espion en quelques mois et j’ai toujours fait les personnages que je voulais faire : prêtresse, paladin, etc. Mon grand-père m’a appris autant à coudre qu’à réparer des pompes et je n’ai pas été élevée à croire que parce que j’étais une fille, j’avais moins de potentiel. La discrimination, je l’ai vécue à cause de mon poids. Je crois qu’il importe ici de dire que je ne correspond pas physiquement aux critères qui rendent acceptable une quantité de vêtement inversement proportionnelle à l’attention qu’ils attirent. Vous verrez plus tard pourquoi c’est pertinent.

Bref, ce « track record » parfait, ces années d’or de « je fais ce que je veux, c’est génial » s’est gâté quand, 3 ans plus tard, mon chum (aujourd’hui mon mari) m’a initié à un très gros GN. Si gros que, homme ou femme, on peut avoir de la difficulté à s’y trouver une place. C’est à ce moment que j’ai constaté l’existence du phénomène « la blonde à l’autre ». La présence de femmes et filles qui étaient là comme décoration, que l’on sortait des pièces pour les discussions importantes et qui souvent, y étaient pour passer du temps avec leur chum…

Le hic, c’est que je n’étais pas « la blonde à l’autre ». Je voulais avancer, m’impliquer, apprendre, comme dans ce petit GN où j’avais fait mes débuts. Après deux ans à chercher à évoluer avec le groupe duquel mon mari faisait partie, j’ai participé à un événement de cette organisation qui avait une thématique plus « dark », une esthétique que j’ai toujours apprécié. J’ai vu dans ce groupe une opportunité de vivre une immersion dans un monde vraiment différent avec un personnage vraiment différent de moi.

Sauf que j’avais choisi un groupe élitiste. Un groupe dans lequel les hommes et les femmes partageaient le pouvoir à parts égales (c’était jusque dans les règles du groupe) mais dans lequel pour qu’une femme atteigne ce pouvoir, elle devait correspondre à des critères que je ne connaissais pas. J’ai bûché deux ans avant de me rendre compte que la personne qui tenait les rênes trouvait que je n’avais pas « le physique de l’emploi ». Vous imaginez bien ma tête. Le jeu de rôle était le seul endroit où je pouvais être ce que je voulais sans restriction et là, pour la première fois, je comprenais que mon corps allait empêcher mon personnage d’évoluer parce qu’un homme en position de pouvoir trouvait que j’étais trop grosse, que je ne pouvais pas danser pour séduire nos ennemis et les manipuler, que je ne pouvais pas être sexy pour attirer les autres joueurs (majoritairement des hommes) et prendre avantage de mes « atouts féminins ». Parce que les femmes avant moi qui avaient occupé ce poste avaient été de belles femmes minces sachant exploiter leur apparence à l’avantage du groupe.

J’étais profondément dégoûtée. Je n’aurais pas dû avoir à me battre contre de tels stéréotypes mais je l’ai fait. Des années plus tard, mon personnage est exactement ce que je voulais qu’elle soit. J’ai fini par confronter la personne qui disait cela de moi et, alors qu’il s’était retiré du jeu, il a reconnu s’être gravement trompé. Le groupe duquel je fais partie aujourd’hui, c’est le même groupe, dans la même organisation. Mais aujourd’hui, j’ai la position que des filles avant moi ont eu pour plusieurs raisons. Certaines étaient des joueuses aguerries, des négociatrices féroces. D’autres étaient des beautés séduisantes. Mais toutes étaient minces. Ce groupe aujourd’hui ne fait plus aucune discrimination de la sorte et j’en avais fait un objectif avant de me rendre à ce point dans mon jeu. Je sens que je suis aussi crédible que n’importe quel homme ou femme et que je le suis uniquement parce que je me suis illustrée comme joueuse capable et déterminée.

Je ne pense pas que ma situation soit unique. Je ne pense pas que j’ai eu de la chance. Je pense que j’ai « bulldozé » ceux qui ne croyaient pas en moi, je leur ai prouvé qu’ils avaient tort et pouvaient se mettre leurs stéréotypes là où l’épouvantail a le bâton, pour être polie. Mais laissez-moi vous dire qu’avec le temps j’ai compris que si je n’ai pas subi de harcèlement sexuel, de catcalling ou si je ne me suis pas fait cantonner dans des rôles de potiche, c’est peut-être bien parce que je n’avais pas « le physique de l’emploi ». Ça, en bout de ligne, c’est aussi le produit du sexisme que j’ai affronté et que plusieurs femmes, rondes ou pas, affrontent. La crédibilité, pour une femme qui fait du jeu de rôle, ça se « mérite ». Il est pas mal temps que ça change.

Katia

J’ai d’abord connu le jeu de rôle grâce aux forums à mes onze ans. N’ayant personne autour de moi faisant du JdR papier, je me suis donc tournée vers un autre support pour incarner divers personnages. Je ne dirais pas que je n’ai pas ressenti un certain sexisme et que je ne vois pas de stéréotype de genre. Je suis toujours outrée de voir ces fantasmes autour du viol (et donc la banalisation du viol) que certains joueurs ont ou le peu d’importance donnée dans certaines intrigues aux personnages féminins sur certains forums. Pour certain(e)s, une femme forte et à la sexualité libérée est forcément mauvaise, arriviste… Ou une femme slave est très souvent une prostituée… Toutefois, la multitude de joueurs et le nombre de forums m’ont toujours permis de pouvoir éviter ces ambiances qui me semblaient dérangeantes. Ce qui a été plus compliqué en JdR papier.

J’ai eu ma première partie de JdR papier vers mes 21 ans. Nous étions 4 joueuses féminines (mes sœurs et moi) avec environ six garçons. Le MJ était un homme. Il était dérangeant d’écouter les relations entre certains anciens personnages de ces joueurs. Ceux jouant des femmes avant que nous n’arrivions jouaient forcément des « nymphomanes » (une femme à la sexualité libérée est forcément une salope, c’est connu !) ou avaient vu leurs personnages se faire violer et en riaient. Ces mêmes garçons ont pourtant été respectueux envers mes sœurs et moi autant en jeu que lors de nos multiples rencontres. Jamais un mot déplacé, une blague sexiste… Et pourtant, en l’absence de filles, la femme ne semblait être qu’un vulgaire objet.

Je crois que la plus mauvaise expérience lors de ces JdR venait du MJ.  Nos propositions de stratégies n’étaient JAMAIS écoutées, nous ne servions qu’à faire plante verte. Je jouais une femme au fort caractère. Dans un monde plus que patriarcal, on avait été d’accord avec le MJ pour qu’elle refuse de se soumettre aux hommes. Dès que j’ouvrais la bouche pour faire véhiculer les idées de mon personnage, ou m’opposer à des remarques « sexistes de PNJ », je me faisais reprendre car soi-disant je pourrissais l’ambiance et personne ne me demandait de donner mes opinions personnelles. Nous avons fini par abandonner ces JdR…

J’ai repris le JdR environ six mois après en commençant à sortir avec mon petit ami actuel. Ses amis autant que lui qui était MJ et avec qui nous faisons avec mes sœurs du RP depuis maintenant 4 ans, n’ont jamais ri du viol de femmes ! Ou ne nous ont jamais mises de côté car nous n’avions pas de pénis entre les jambes ou autres stupidités du genre. Lorsque la contrée que nous explorons en aventure se révèle avoir une politique patriarcale, le MJ ne nous empêche pas pour autant (si nous jouons des femmes) d’avoir notre place dans l’histoire qui se déroule et de nous faire un nom ! Joueurs comme joueuses sont sur un pied d’égalité : c’est le roleplay qui prime et non le genre du joueur ou du personnage. Les autres membres que nous avons intégré petit à petit à nos diverses parties (Within, Warhammer, Shadowrun, etc.) ne se sont jamais montré irrespectueux envers un personnage féminin ou une joueuse.

J’ai aussi découvert plus profondément l’univers des rôlistes papiers ainsi. Moi qui avais toujours entendu que les femmes étaient rares dans le JdR papier, j’ai surtout appris qu’elles se faisaient discrètes ! Et pour cause : les joueurs les plus idiots les draguaient, se moquaient de leurs personnages et j’en passe. De quoi préférer rester dans un cercle privé plutôt que de fréquenter les associations ! Je me souviens lorsque j’ai acheté le livre de règles de Shadowrun, la dernière version. J’étais à la caisse à discuter avec le vendeur de la boutique spécialisée quand un client est venu me faire une leçon sur le JdR que j’achetais. Sûrement l’avais-je pris dans le rayon car la couverture me plaisait. C’est le vendeur qui m’a devancé en lui disant que je savais ce que j’achetais.

Avec mon copain, nous avions aussi décidé de fréquenter les tables de JdR de magasins spécialisés. La première partie fut parfaite mais la seconde nous a déterminé (peut-être à tort ?) à ne pas revenir. Le MJ n’arrêtait pas de se dire féministe. Pourtant, dans ses sept prédéfinis de personnages, seuls deux étaient des femmes. Et leurs descriptions m’ont faite grimacer. Nous avions une guérisseuse mère de famille qui refusait de voir les gens souffrir ou une pirate sexy, croqueuse d’hommes et menteuse. La femme ne peut être qu’une mère ou une « garce ».

Je n’ai plus eu de problème de ce type depuis que je ne joue qu’en cercle privé mais j’aimerais faire réfléchir les joueuses et les joueurs des forums RPG sur le sexisme dans ce type de plateforme. Non, les RP ne sont pas que des mondes imaginaires. Sur un forum, on parle de communauté et l’écriture véhicule des idées et donc permet de les ancrer dans l’esprit collectif. Essayez de voir un peu plus au-delà du : « Je ne fais que jouer un personnage, c’est innocent ». Une femme slave n’est pas forcément une prostituée, une femme forte n’est pas une garce, une femme en difficulté n’a pas forcément à trouver un homme pour trouver le bonheur et j’en passe. Merci donc de réfléchir avant d’accepter ces stéréotypes qui, lorsqu’on y réfléchit fortement, ne font que montrer et renforcer les images dégradantes de la femme.

Melina

J’ai 13 ans quand j’essaie mon premier GN. Un typique médiéval-fantastique, qui se veut être un GN « éducationnel » pour éduquer les joueurs de demain. Je dis joueurs car, sur les 80 participants, il n’y avait que cinq ou six femmes. Je me rappelle qu’on m’a donné un rôle de soutien, une guérisseuse pour ces valeureux guerriers… On m’a dit que c’était plus facile. Des années plus tard (12 ans), je réalise que mon expérience dans le milieu du GN aurait pu être complètement différente sur quelqu’un m’avait dit : « Sois ce que tu veux être ! Une guerrière, une diplomate, une alchimiste ! Vas-y ! ».
Ce n’est que des années plus tard, vers 20 ans, qu’un organisateur me donne un rôle qui me valorise. Il a vu du potentiel où je n’en voyais pas. Mais les joueurs n’aiment pas les femmes qui jouent des rôles de pouvoir. Là où on aurait écouté un dirigeant, on n’écoutait pas son équivalent féminin. Et puis… j’étais toujours mise dans des situations de mariage et « d’accouplement ».
Des histoires de harcèlement dans ce milieu, je n’ai pas assez de doigts pour les compter. Organisateur qui me demande de coucher avec lui, en me promettant plus de points d’expérience. Joueur qui m’embrasse de force tandis que j’essaie de le repousser. Me faire traiter de pute par un mec, frustré que je le refuse parce que je suis en couple. Et une panoplie d’autres contes glauques…
Et pourtant, je joue encore. Mais maintenant, je me défends mieux, et j’essaie d’aider celles qui se retrouvent dans ce genre de situations.

Anonyme

Serial Gralistes – Épisode 5 , « Action humanitaire »
À l’époque, j’étais une des seules filles de mon association. Il y avait un garçon de mon âge qui était encore vierge. On m’a demandé très sérieusement si je ne voulais pas le dépuceler. Je leur ai expliqué très sérieusement que je ne faisais pas dans le bénévolat et que je ne faisais pas partie des Restos du Cul.

Anaïs

Sur un chan de JDR, j’annonce toute contente que je vais avoir un nouveau tatouage. Un joueur : « Non mais tu te rends compte que tu dénatures ton corps de femme ? », et après c’est le même type qui se dit féministe et qui adore les femmes… super.

Anonyme

Un jour, un rôliste faisant partie de mes contacts virtuels m’a abordée en privé, sans crier gare, et en ces termes :

« Salut, une question : ton mari t’a trouvée dans quelle boutique ? »

Interloquée, je réponds prudemment.

Quelques phrases plus loin, je découvre ceci :

« T’as été classée geekette super sexy. »

Complètement abasourdie, je demande :

« Parce qu’il y a un classement en plus ?

– Ah oui et t’es tout en haut. »

Mais ce n’est pas terminé. Suite de l’échange :

« Tu crois que sur les salons, les geeks plein de testostérone ne regardent pas les filles, ils ne font pas que jouer, tu sais.

– Je ne saurais dire. J’y vais principalement pour jouer et voir les gens que j’apprécie.

– Ben oui, et pas mal d’hommes dont moi t’ont déjà regardée

– Je ne vais plus oser me rendre en festival.

– Oh, tu vas t’offusquer parce qu’un tas de mecs te trouvent plus plus plus que sexy ? »

À ce stade, je ne sais plus quoi répondre.

C’est carrément malsain.

Et lui de conclure sur un :

« Bon ben en tout cas, on pourra pas avoir ton clone, va y avoir des déçus »

J’ai supprimé cette personne de mes contacts immédiatement, sur les conseils d’un ami. J’étais choquée, nauséeuse.

Après cette histoire, j’ai hésité un moment avant de remettre les pieds en salon…

Anonyme

Serial Gralistes – Épisode 4, « Haut les mains »

Dans les conventions que je fréquente, il y a un type que j’appelle en secret Le Tripoteur. Comme son nom l’indique, il tripote. Enfin, il ME tripote. Chaque fois que je le croise en convention, je dois l’esquiver parce que sinon, il se permet des contacts physiques déplacés à mon encontre.