Lucrecia (1/4)

J’ai vécu une très mauvaise expérience avec une association de GN, et j’aimerais partager ce témoignage sur votre site afin de briser la loi du silence.

[TW : mentions de viol, agression sexuelle, violence psychologique, homophobie, transphobie, queerphobie, polyphobie, harcèlement, attouchement, racisme]

Enfant, j’ai eu la chance d’avoir un papa m’ayant initié au jeu de rôle avec ma petite sœur, m’autorisant à jouer autant des femmes que des hommes, autant des forts que des faibles, autant des grands que des petits, autant des guerriers que des guérisseurs… Et ce, sans aucune remarque sexiste en mode « tu es une femme alors joue un soutien fragile et tais-toi » ou encore « non mais le rôle d’une femme, c’est d’être une séductrice dévergondée ». Non, il me laissait juste exprimer ma créativité et ma passion pour le théâtre et l’imprévision, et pour ça, il est le meilleur papa du monde.

Plus tard, je déménage de Paris, au revoir papa, les amis cools et la petite vie tranquille, bonjour les études et l’inconnu. J’ai été plus que comblé quand mes amis proches sur Paris se sont montrés ultra ouverts et compréhensifs lorsque je leur ai proposé nos premières parties de JdR. Nos sessions de Warhammer 40k et de D&D se passaient souvent sans aucun problème important, et même si parfois, certains joueurs (souvent des membres n’appartenant pas au noyau dur de mes proches) pouvaient se montrer limite-limite, j’étais heureuse parce que ça se passait bien. Il n’y a que sur les tables tenues par des inconnus que l’ambiance était parfois tendue, voire malsaine. L’homophobie et la culture du viol étaient des choses que j’ai malheureusement subi de plein fouet… Mais ce n’est pas la pire chose que j’ai vécue dans mon expérience de joueuse/GNiste.

Très vite, j’ai cherché à élargir mon cercle de connaissance et je suis rentrée dans une nouvelle association de GN qu’on m’avait décrit comme accueillante, ouverte d’esprit, différente des autres, bref le pied total non ? Je rencontre des gens formidables, comme mon futur conjoint. Puis rapidement, le rideau tombe. À l’époque, je me définis comme homme trans. Je porte un binder, des vêtements amples et pour couronner le tout, je suis militant féministe et LGBTQ+. Je ne suis pas la seule personne trans de l’association, mais très vite je remarque un truc qui me choque énormément. Nous ne sommes pas du tout traités comme les autres. Très vite, des tensions s’installent entre les membres, notamment avec une homme qui m’a approchée de manière plus ou moins malsaine. Il est thérapeute et me voit comme un… un sujet d’expérience ? « Tu es la première personne trans que je rencontre, ce serait intéressant d’en apprendre un peu plus sur toi, de manière purement scientifique ». Heu, OK, bonjour la fétichisation. Rajoutez à cela qu’on était avec le groupe dans un bar en train de boire un coup et qu’il m’a sorti ça alors que j’étais sur le côté avec lui loin des autres, et vous avez le combo du mec creepy. Monsieur avait un minimum de pouvoir et… il en a abusé.

Il a plusieurs fois passé ses nerfs sur moi et sur d’autres membres ouvertement queer de l’asso. Le malaise. Il allait jusqu’à dire que des problèmes datant d’avant notre venue étaient de notre faute. Il a craché sur nos revendications, notre militantisme, s’amusait à nous mégenrer derrière notre dos avec sa copine. Il s’est finalement tiré après quelques mois , mais je me rappellerai toujours de son regard lourd quand il nous engueulait moi et une pote et que c’était la première fois que j’avais mis un décolleté en sa présence. Tout en nous hurlant dessus et nous rabaissant, il ne cessait de regarder les cuisses dénudées de mon amie et ma poitrine. Elle a quitté l’association quelques temps après. J’ai fait la connerie de ne pas la suivre. Bah, je me suis dis que le pire était parti. Grossière erreur.